Maldives, la nouvelle Atlantide?

Publié le par Linium International

                Lorsqu’a été annoncée le 17 octobre dernier, la tenue d’un conseil des ministres sous-marin aux Maldives, le sujet pouvait prêter à sourire. Or l’audace du président des Maldives Mohammed Nasheed n’est que le reflet d’une vive inquiétude de nombreux Etats archipels dont l’existence même est menacée par la montée du niveau des mers.

 

En effet, les Maldives (composées de 1192 îles) sont le pays le plus proche du niveau de la mer : 2,1 mètres en moyenne. Si c’est l’un des Etats les plus menacés, ceux qu’on appelle les « Petits Etats Insulaires du Pacifique Sud » (PEIPS) comme l’Etat du Tuvalu n’ont pas moins de risques de disparaître.

 

Cette menace réelle qui ne peut être négligée lors du sommet sur le climat organisé à Copenhague par l’ONU en décembre, pose de nombreuses questions, intéressant non seulement les populations concernées mais aussi la communauté internationale. Deux questions se posent clairement :


                            - Quel statut pour les réfugiés climatiques ?


                            - Un Etat sans territoire peut-il encore exister ?


La première question est déjà largement discutée, mais doit mobiliser tous les Etats à commencer par les plus pollueurs.

 

La deuxième question ne paraît pas de prime abord très utile et pourtant elle rejoint complètement la première pour en poser une nouvelle : le déplacé climatique est-il un apatride ou un réfugié ? Le statut est complètement différent.

Loin des rêves de cryptarchies (on se rappellera du Royaume d’Araucanie-Patagonie ou encore de la plateforme Sealand), un Etat peut-il exister par son espace maritime. Les zones maritimes sous souveraineté des Etats ou sur lesquelles ceux-ci exercent des droits souverains se définissent en fonction des lignes de base (d’après l’article 5 de la convention de Montego Bay, « la laisse de basse mer le long de la côte, telle qu'elle est indiquée sur les cartes marines à grande échelle reconnues officiellement par l'Etat côtier. »). Or, une modification territoriale intervenant, la laisse de basse mer s’en trouve elle-même modifiée pour affecter ensuite les espaces maritimes comme la mer territoriale, la zone contigüe et la zone économique exclusive (et dans une certaine mesure, le plateau continental). La disparition du territoire terrestre entraîne la disparition de l’espace maritime qui en dépend. Pourtant, dans la situation des Maldives ou des PEIPS, nous nous trouvons face à des Etats Archipels (leurs zones maritimes, à commencé par les eaux archipélagiques sont immenses proportionnellement à leur espace terrestre) ce qui implique une multitude d’îles.

Or, les îles occupent une place à part dans la convention des Nations Unies sur le droit de la mer. Celles-ci d’après l’article 121 § 1 sont « une étendue naturelle de terre entourée d'eau qui reste découverte à marée haute ».  Celles-ci peuvent avoir une mer territoriale, une ZEE ou un plateau continental sous réserve qu’elles se prêtent « à l’habitation humaine ou à une vie économique propre » (Article 121 § 3).

 

Il est fort possible que la montée des eaux n’engloutisse pas toutes les terres de ces Etats victimes du réchauffement climatique.  Imaginons, malgré les déplacements de population que certaines îles soient encore découvertes à marée haute avec un semblant d’habitation humaine (un phare, une station météorologique, etc.). Si l’Etat ne s’est pas de lui-même dissout ou s’il est encore reconnu par la communauté internationale, voici un Etat avec littoral mais sans réel territoire. L’Etat peut toujours tirer profit des ressources de ses espaces maritimes, même restreints. Cette manne serait non-négligeable pour subvenir aux besoins de populations déplacées.


Toutefois, un tel évènement, au-delà de ses seuls aspects juridiques (statut des déplacés climatiques et conditions juridiques d’existence de l’Etat) pose des problèmes d’ordre géopolitique graves. Le déplacement d’un Etat entier ne peut se faire sans heurts : qui accueille cette population (pour les Maldives, c’est presque 400 000 réfugiés potentiels)? Quelle place dans le pays d’accueil ? Ce serait toute la géopolitique du sous-continent indien et de l’Océan indien qui s’en trouverait bouleversée.

 



Jérémy DRISCH



 

sources images :

- Reuters/Gouvernement des Maldives

- Ministère des Affaires étrangères

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Publié dans Mer et environnement

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