L'Arctic Sea et ses incohérences...

Publié le par Linium International

    Arctic Sea, un nom qui n’est pas sans rappeler la complexité de la géopolitique dans le Grand Nord, mais en l’espèce, il s’agit surtout d’un navire aux mystérieuses aventures. Nous annonçons lundi, que les marins de l’Arctic Sea ont été récupérés par la marine russe, ce qui n’est pas sans poser quelques questions.

 

     Voilà une affaire truffée de contradictions : une « attaque » dévoilée une semaine après l’arrivée prévue du navire en Algérie ; une marine russe à la poursuite du navire mais qui finalement ne l’est pas pour tout de même rattraper le navire (sic.) ; un ministre qui déclare que le navire n’est pas passé dans les eaux portugaises alors que la commission européenne déclare le contraire ; des marins blessés suite à une première « attaque » qui ne reviennent pas à terre ; une deuxième attaque ; des cap-verdiens annonçant que le navire est à 300 milles de l’archipel et des russes qui affirment que c’est faux…

 

Beaucoup d’incohérences autour d’un même navire !

 

Dès à présent, il parait improbable qu’il s’agisse d’un acte de piraterie. Si une seule attaque avait été mentionnée, cela aurait pu être possible, mais deux attaques sur un même navire, sur un même trajet et dans les eaux européennes, les probabilités sont extrêmement minces si elles ne sont pas inexistantes.

Il a été annoncé, une demande d’une rançon dont le montant annoncé par la presse est de 1,5 millions de dollars. Il est intéressant de constater que le prix de la marchandise transportée (du bois précieux) est estimé à 1,3 millions d’euros, c'est-à-dire 1,8 millions de dollars.

 

     Parmi les scenarii possibles, il pourrait s’agir d’une opération de baraterie*, c'est-à-dire, une forme d’escroquerie (en droit maritime) qui peut se faire au dépend des assurances ou de l’armateur (car parfois l’armateur est dans le coup). L’exemple le plus connu est le cas du Salem, un vieux pétrolier qui avait subi une première avarie au large de l’Afrique du Sud nécessitant des réparations dans ce pays. Les réparations faites, le navire repart et coule au large de l’Afrique occidentale. Les marins sont repêchés sans qu’ils aient l’air paniqué. Très vite, les enquêteurs soupçonnent une arnaque à l’assurance et découvriront que le pétrole avait été revendu durant leur escale technique. Le navire avait été coulé à vide.

 

Dans l’affaire de l’Arctic Sea, il serait probable que l’équipage ait voulu revendre la cargaison.

 

Mais cela ne tient pas forcément aux vues de certains éléments donnés par la presse. Tout d’abord, nous pouvons constater l’empressement de la Russie pour rechercher ce navire. Soit, les russes ont besoin de montrer que leur marine est encore au top (il n’y a pas d’attaque programmée de la Géorgie cet été…), mais leur volontarisme et les incohérences de leurs propos peuvent surprendre.

 

     De plus, nous savons que dans cette affaire, les forces de police de plusieurs Etats participent à l’enquête (Russie, Finlande –Etat de l’armateur-, Malte-Etat du pavillon-, …). Pourtant aucune information ne filtre hormis les informations incohérentes données à la presse. Alors qu’en France, on n’est pas capable de respecter le secret de l’instruction, on peut se demander ce qui provoque ce silence quasi-religieux.

 

Si on considère qu’il y a vraiment eu deux attaques sur le navire (pourquoi pas…), la piste du transport de marchandises autres que le bois précieux est fortement envisageable. Les attaques n’auraient alors rien à voir avec des pirates, mais plus avec des trafiquants, des mafieux, ou pourquoi pas des terroristes.

 

L’affaire reste à suivre et il est fort probable que nous devrons nous contenter des communiqués officiels des services de police européens. Dès à présent, une première conclusion peut toutefois s’imposer. Cette semaine, j’ai rencontré des marins russes qui faisaient à peu près le même trajet que l’Arctic Sea et qui commençaient à s’inquiéter d’un retour de la piraterie au large de nos côtes. Il me semble qu’il n’y a aucune crainte à avoir et que les compagnies maritimes peuvent continuer à naviguer (si elles n’ont rien à se reprocher…)

 

 

 

Jérémy DRISCH

 

 

Sources photos : 1 - Reuters/Ouest-France 2 - AFP/Le Figaro

Publié dans Actualité maritime

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L
Désormais, Reuters annonce qu'il s'agit d'un acte de piraterie commis dans les eaux suédoises.....cela n'enlève rien à l'incohérence des propos tenus depuis fin juillet.
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L
Il est intéressant de voir que l'AFP vient d'annoncer que 8 suspects avaient été mis en garde à vue pour détournement. L'information émane du ministre russe de la Défense. Pourtant, cela n'éclaire en rien l'affaire. Attendons de voir ce qui sera annoncé par la suite....
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